Camille Bloomfield, “Clémentine Mélois : du roman-photo au mème Internet, quand la culture populaire se fait oulipienne”
La prochaine séance du séminaire de l’axe 4 sur la plurimédialité aura lieu mardi 8 novembre 2022, de 13h30 à 15h15 dans l’Amphi 4 (Villetaneuse). Nous aurons le plaisir d’écouter la conférence de Camille Bloomfield, intitulée “Clémentine Mélois : du roman-photo au mème Internet, quand la culture populaire se fait oulipienne”.
Résumé :
Clémentine Mélois, artiste-plasticienne contemporaine et écrivaine, semble avoir fait de l’exploration des chemins de traverse sa ligne directrice, et de la plurimédialité une caractéristique centrale de son travail. Formée aux Beaux-Arts de Paris et cooptée en 2017 au sein du prestigieux groupe littéraire l’Oulipo (fondé par Raymond Queneau et François Le Lionnais en 1960), elle s’est d’abord spécialisée dans le livre d’artiste, avant de réaliser sa première œuvre d’envergure : la collection des Cent titres, ensemble de détournements par le titre, la couverture ou le nom de l’auteur, de cent classiques de la littérature mondiale. C’est ainsi que Moby Dick de Melville est devenu Maudit Bic, que L’écume des jours est devenu Légume des jours, par un certain « Boris Viande », et que l’héroïne de Marguerite Duras « Lol V. Stein » a été renommée « Lol mdr V. Stein ». Les photographies de cette collection sont vite devenues virales sur Internet, tant elles correspondaient bien à la culture numérique du même, et de la culture classique détournée par la culture populaire (les références à la télévision, à Internet, au roman noir ou à la BD par exemple sont nombreuses). Or avant d’être reprises en photographie sur Internet, ces œuvres sont d’abord de vrais artefacts, minutieusement fabriqués par l’artiste de sorte à ressembler à leurs éditions originales. Il y a donc, au-delà du jeu, un savoir-faire, une technique.
Mais le livre d’artiste et la photographie plasticienne ne sont pas les seuls médiums exploités par Clémentine Mélois : autrice, avec Jan Baetens, d’un roman-photo sur le genre du roman-photo, mais aussi d’un essai sur la lecture et ses petits plaisirs (Dehors la tempête, Grasset, 2020), elle est aussi friande d’installations (son exposition à la Galerie Lara Vincy en 2020 était aussi créative sur le plan de la scénographie et des installations), de conférences-performances (comme sa prochaine à la Maison de la poésie, intitulée non sans provocation « De Baudelaire à Pif Gadget »), amatrice de GIF animés, de vidéos, de peinture (elle excelle en imitation et détournement de tableaux classiques) ou encore de confection d’objets contenant, la plupart du temps, un élément textuel humoristique ou décalé. On l’a même aperçue comme actrice dans un roman-photo de Fabcaro et Eric Judor, Guacamole Vaudou.
Aussi, explorer cette œuvre sous l’angle de la plurimédialité, c’est en étudier le caractère éminemment contemporain, ce que Magali Nachtergael a nommé « le devenir-image de la littérature » ou la « néolittérature » ; c’est aussi comprendre le lien étroit qu’il peut y avoir entre le recours à différents médiums et l’engagement presque politique de l’artiste à faire se rencontrer culture populaire et culture « légitime » ; c’est enfin s’intéresser aux modes de diffusion originaux qui accompagnent cette plurimédialité, de la galerie d’art contemporain ultra select à la diffusion gratuite sur les réseaux sociaux, et à la reconfiguration du rapport à son public qui en découle.
Nous espérons vous retrouver nombreux.ses à cette occasion.
Bien à vous,
Christèle et Valérie