Colloque « Actualité et histoire de l’inceste. Entre occultation et révélation », projet ANR DERVI, 6-8 octobre 2021, Campus Condorcet, Aubervilliers
Porteur d’une véritable déflagration médiatique, le livre de Camille Kouchner (La Familia grande, 2021) a propulsé l’inceste et le « silence » qui l’entoure sur la scène publique et politique entrainant une accélération du processus de libération de la parole de milliers de victimes. Les sciences humaines et sociales, notamment l’anthropologie des XIXe et XXe siècles, avaient pourtant posé l’inceste comme un interdit fondateur de toute société humaine (Durkheim ; Lévi-Strauss), incitant à le penser comme un invariant culturel dépouillé d’historicité. Interdit, censé être inexistant, voire réputé indicible, l’inceste ne pouvait être appréhendé comme une réalité empirique ni faire l’objet de débats publics.
Aujourd’hui, et de manière croissante depuis une vingtaine d’années, ce paradigme incestueux vole en éclats. La dénonciation des violences sexuelles commises sur les enfants est devenue omniprésente dans l’espace public, les campagnes de prévention se succèdent, les affaires de violences incestueuses défraient la chronique judiciaire, les témoignages de victimes investissent les médias et les réseaux sociaux, ainsi que d’autres formes narratives (cinéma, littérature, BD). Enfin, de récents sondages ont montré que l’inceste était une pratique courante : un Français sur dix, soit 6,7 millions de personnes, disent en avoir été victimes (sondage IPSOS, 2020).
Alors que depuis une trentaine d’années, les études issues de champs disciplinaires variés (psychanalyse, histoire, anthropologie, gender studies) ont surtout mis en évidence le silence qui pèse sur l’inceste, ce colloque inverse les perspectives pour interroger le moment crucial du dévoilement de l’inceste à des échelles (familles, réseaux institutionnels, médias), en des contextes (familial, judiciaire, administratif, médiatique, littéraire), suivant des modalités (révélation, dénonciation, témoignage, signalement, récits, « affaire ») et avec des répercussions variables (indignation, indifférence, déni, scandale). Il s’agit aussi de penser le fait incestueux comme une violence perpétrée dans la trame ordinaire du quotidien, malgré l’indignation collective, en apparence unanime, qu’il soulève sur la place publique.
Trans-périodes et pluridisciplinaire, ouvert sur des échelles diverses, du local à l’international, ce colloque prend le parti de donner la parole aux chercheurs ainsi qu’aux acteurs du monde professionnel (psychologues, psychanalystes, travailleurs sociaux, magistrats) et artistique.