Suspendu – Séminaire de recherche interdisciplinaire : “Taire, confier, révéler le secret, de l’intime au social”
Le séminaire DERVI est suspendu tant que durera la fermeture de l’EHESS
Séminaire de recherche interdisciplinaire (EHESS, Paris)
Recherche ANR DERVI Dire, Entendre, Restituer les Violences Incestueuses (CNRS, EHESS, Paris-13)
Séminaire organisé par Anne-Claude Ambroise-Rendu (CHCSC/Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Sylvaine Camelin (LESC/Paris-Nanterre), Anne-Emmanuelle Demartini (Pléiade/Paris-13), Julie Doyon (FNS-Fribourg/Paris-13), Charlie Duperron (CEMS/EHESS-CNRS), Fabienne Giuliani (CEMS/EHESS-CNRS), Léonore Le Caisne (CEMS/EHESS-CNRS)
Programme (2019-2020)
Le séminaire se tiendra un jeudi par mois de 16h00 à 19h00
Lieu : EHESS, 54 boulevard Raspail 75006, Paris
Salle : A05-51, 5ème étage
Témoignages de victimes, travaux anthropologiques ou historiques, rapports de professionnels de la justice ou de l’aide sociale à l’enfance, tous le montrent : les histoires d’inceste, compris comme une relation sexuelle engagée avec un enfant dans le cadre familial, sont des histoires de secret. Caché, plus ou moins volontairement ou consciemment préservé, le secret est difficile, voire impossible à révéler ou à découvrir.
Lié au tabou, le secret de l’inceste résulte de « l’injonction au silence, véritable règle d’or de la famille incestueuse » (D. Dussy et L. Le Caisne), qui scelle la relation de domination entre la victime et son agresseur, confirmant l’interdit de l’inceste tout en autorisant sa transgression. Comprendre en effet comment les violences incestueuses, quoique publiquement dénoncées comme un mal absolu, perdurent dans la trame ordinaire du quotidien et peinent à accéder à la visibilité et à être judiciarisées, implique de prendre en compte le secret qui pèse sur elles, son rôle et son fonctionnement dans les familles concernées par l’inceste, voire dans leur entourage et plus largement dans la société.
Comment la relation incestueuse se constitue-t-elle en secret et comment le secret s’impose-t-il et se transmet-il ? Comment « suinte »-t-il (S. Tisseron) en instillant doute, soupçon, commérage ou rumeur publique ? La notion de secret permet de penser le piège de l’inceste pour les victimes mais interroge également l’ordinarité des violences sexuelles subies par les enfants lorsqu’elles sont suspectées, connues, mais tues, voire tolérées. Quand, par qui, à qui, comment, dans quelles conditions et avec quelles conséquences le secret est-il révélé ? Comment ce qui est mis à part, placé à l’écart, retiré (secretus), peut-il revenir dans le champ de l’énonciation, de la dénonciation, de la mémoire, de la prise en charge institutionnelle ?
Afin d’éclairer l’inceste et de mieux comprendre ce qui empêche ou permet de le dire, de l’entendre et de le restituer aujourd’hui, le séminaire, animé par les anthropologues et les historiennes de la recherche ANR DERVI (« Dire, Entendre, Restituer les Violences Incestueuses »), propose de réfléchir à la thématique du secret, dans une perspective large.
Le secret connaît en effet des domaines d’application multiples (le mythe, le droit, la politique, la psychologie, etc.) et offre toutes sortes de déclinaisons dont certaines sont attendues : secret d’État, secret médical, secret professionnel, secret de l’instruction, secret de fabrication, secret de la confession, secret bancaire, secret des origines, secret de l’accouchement, etc. Or, l’exigence actuelle de transparence, ainsi que la notion en plein essor de « droit à la vérité », tendent à dévaloriser les pratiques sociales liées au secret. Le secret sépare et distingue, il est partagé par un groupe restreint d’« initiés », et jugé inégalitaire. Non seulement l’institution du secret renvoie à un principe sélectif d’inclusion et d’exclusion, mais elle participe aussi de la structuration de liens (familiaux, professionnels, politiques, etc.) menacés par sa révélation. En ce sens, le secret pourra également être envisagé comme constitutif de certaines formes d’organisation sociale et étatique (G. Simmel). En invitant chercheurs, praticiens, auteurs à présenter leurs travaux ou à faire part de leur expérience professionnelle, le séminaire entend explorer une pluralité de terrains dans lesquels la question du secret se pose, ainsi que diverses modalités de réception/révélation du secret par des individus (« victimes », travailleurs sociaux, psychologues, enquêteurs, avocats, auteurs, journalistes…) ou des institutions (États, religions, administrations…) dans l’espace public.
Renseignements par courriel : dervi@listes.huma-num.fr
Adresse(s) électronique(s) de contact : charlie.duperron@ehess.fr ; fabienne.giuliani@ehess.fr
Séance 1. Jeudi 28 novembre 2019 : Secret(s) et fiction
Exceptionnellement cette première séance commencera à 16h30
Christopher LUCKEN (littérature médiévale, université Paris 8) : « Récit et silence : Philomena(Ovide) et Le Roman de sept sages de Rome (XIIe siècle) »
Julie WOLKENSTEIN (littérature comparée, université de Caen) : « Ce que la fiction fait du viol incestueux, et réciproquement : deux cas particuliers, Tendre est la nuitde F. S. Fitzgerald (1934) et Chinatownde R. Polanski (1974) »
Séance 2. Jeudi 6 février 2020 : Secret(s) de famille, traces et transmission
Charlie DUPERRON (sociologue, CEMS, EHESS) : « “Ce qui vaut la peine d’être dit”. Réflexions sur la place des secrets dans la recherche de personnes désignées comme disparues »
Muriel KATZ (psycho-clinicienne, université de Lausanne) : « Un secret bien gardé en cache souvent un autre : témoigner après un génocide pour donner voix aux absents comme à sa propre histoire »
Séance 3. Jeudi 26 mars 2020 : Secret(s)de la confession et Église
Paola DIAZ (sociologue, ICSO-UDP-COES/CEMS, EHESS) : « Abus ecclésiastique : d’un silence global à un problème public transnational (Chili/Etats-Unis) »
Anne-Françoise PRAZ (historienne, université de Fribourg) : « Les murs du silence. Dissimulation et révélation des abus sexuels sur enfants dans un établissement catholique en Suisse »
Séance 4. Jeudi 30 avril 2020 : Secret(s) des origine(s) : l’adoption
Marie-Christine LE BOURSICOT (magistrate, Conseiller honoraire à la Cour de cassation, ex-Secrétaire générale du Cnaop) : « L’accès des personnes adoptées à leurs origines personnelles »
Yves DENÉCHÈRE (historien, TEMOS-CNRS FRE 2015, université d’Angers) : « Secret(s) de l’adoption : approche historique contemporaine »
Séance 5. Jeudi 28 mai 2020 : Secret(s) et travail social
Sylvaine CAMELIN (anthropologue, université de Paris-Nanterre, LESC) : « Entre secret et prudence : la gestion des informations personnelles dans la prise en charge des enfants confiés à l’ASE »
Véronique BLANCHARD (ENPJJ) : « Secret ou surdité ? La justice des enfants face aux violences sexuelles sur mineures (1950-1960) »
Séance 6. Jeudi 11 juin 2020 : Secret(s)et crimes contre l’humanité
Élisabeth CLAVERIE (anthropologue, ISP Nanterre) : « Autour des crimes de guerre : les cas de l’ex-Yougoslavie et du Congo »
Marie-Jeanne SARDACHTI (magistrate, Cour pénale internationale de La Haye) : « Révéler les crimes sexuels : l’exemple de Tombouctou en 2012 » (sous réserve)
Séance 7. Jeudi 18 juin 2020 : État, droit(s) au(x) secret(s), identités
Sévane GARIBIAN (juriste, Fonds national suisse, université de Genève) : « (Dés)affilier. Disparitions et réapparitions forcées de la vérité en Argentine »
Dominique MEHL (sociologue, IRISSO, LCP, CNRS) : « Enfants du don. Secret et anonymat »