Appel pour une journée d’étude qui aura lieue le 15 novembre 2019 à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée
Depuis le courant de l’histoire des mentalités, dans la tradition de l’école des Annales, de nouvelles perspectives historiographiques se sont ouvertes autour de la question des émotions. Cette thématique rassemble des chercheurs s’intéressant à la place occupée par la dimension affective dans la vie des sociétés mais également dans les rapports de pouvoir et la production/reproduction des inégalités. Sur le plan de l’histoire politique, l’émotion joue un rôle effectivement majeur en tant que réaction, stimulus ou lien entre les individus et les groupes sociaux. Des « communautés d’émotion » décrites, ici ou là, par les historiens font leur apparition lorsqu’un dirigeant, une élite ou une institution provoque, encadre ou, au contraire, censure une réaction collective qui, au-delà de toute orientation idéologique, identitaire ou genrée, prend la forme d’une réponse émotionnelle jamais neutre (plaintes, émeutes, pamphlets, chansons, violences, etc.).
Dans le contexte de l’époque moderne, la gestion de l’émotion concerne autant les dirigeants (traditionnellement, l’impassibilité affichée par les monarques tranche avec l’hybris des tyrans) que ceux qui y sont soumis et qui doivent, souvent sur commande, se réjouir (couronnement, victoire militaire ou mariage) ou se lamenter (défaite, complot, assassinat, décès, etc.). La société du spectacle, venue de la Cour, valorise-t-elle forcément toutes les émotions ou n’opère-t-elle pas un tri entre ce qui peut s’exprimer et se montrer et ce qu’il convient de dissimuler, d’intérioriser ? L’histoire sensible des monarchies françaises et espagnoles d’Ancien Régime recouvre un vaste panel d’émotions (celles des puissants, celles de leurs obligés) qui, parfois, atteignirent leur paroxysme à l’occasion de crises majeures. Ainsi, en marge d’une histoire politique du corps et de ses représentations, la prise en compte des affects permet une relecture constructive de l’histoire longue des rapports de domination dans les sociétés occidentales. Enfin, notons que les relations géopolitiques et les échanges culturels franco-hispaniques ont souvent donné lieu à des comparaisons entre deux royaumes longtemps ennemis. Sur le plan des références majeures et des concepts-clé du discours politique, les legs de l’Antiquité et les mutations de la Renaissance ont souvent rapproché ces deux Etats malgré des tensions et des conflits de part et d’autre des Pyrénées. Sur le plan de l’histoire des émotions, les discours « identitaires » français et espagnols, savamment instrumentalisés en période de conflit, reflètent une lecture « psychologique » figeant deux « Etats », voire deux « nations », et ramenant des populations très diverses à des stéréotypes affectifs dont témoignent les arts, les sciences et les lettres.
Cette journée d’étude transpériodique et interdisciplinaire (histoire, civilisation hispanique, histoire des arts, sciences politiques, etc.) entend interroger les rapports de pouvoir et de domination (sur le plan politique, économique psychologique ou symbolique) s’inscrivant dans une dimension sensible et s’exprimant par des émotions (adhésion, résistance, joie, tristesse, amour, haine, etc.) individuelles et/ou collectives qui peuvent aussi bien renforcer les structures de décision que les fragiliser en cas de contestation radicale. La représentation (ou la non-représentation) des émotions du pouvoir comme la manipulation des émotions à des fins de pouvoir, la circulation des émotions entre le pouvoir (roi, seigneur, ministre, valido, etc.) et le.s public.s dans une interaction non dépourvue d’ambiguïté, sinon de manipulation, sont les champs que cette journée d’études internationale entend explorer, dans le contexte franco-hispanique. Le domaine d’étude visé est l’époque moderne sans pour autant s’interdire d’explorer des repères plus anciens, dotés d’une valeur exemplaire ou fondatrice.
Envoi des propositions (titre provisoire, résumé de 10 lignes maximum, brève bio-bibliographie rappelant les titres et travaux) jusqu’au 13 mai 2019 à :
- Stanis PEREZ, MSH Paris Nord, Pleiade : stanis.perez@mshparisnord.fr
- Sarah Pech-Pelletier, Université Paris 13, Pleiade : sarah.pelletier@univ-paris13.fr
- Christine OROBITG, Aix Marseille Université, TELEMME : christine.orobitg@gmail.com
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